Un brin d'histoire

Fiers de nos ancêtres, dégustons un produit patrimonial, une vraie page d’histoire!

L’histoire du fromage

1635
L’histoire du fromage de l’isle d’Orléans débute quand les premières familles à s’établir sur l’île se sont mises à fabriquer leur fromage à partir d’un procédé ancestral rapporté de l’ancienne Champagne en France, dans les Départements de l’Aube et de l’Yonne. Dans une monographie écrite par J.C. Chapais, en 1911, on peut lire que le système de fabrication de ce fromage domestique se rapproche, sur plusieurs points essentiels, de celle du Soumaintrain, produit de la vallée de l’Armance.

1643
Des actes notariés confirment l’existence de ces petits fromages de lait caillé qu’il faut saler dès la mise en moules et qui sont de fabrication domestique, ce qui en ferait le plus ancien fromage d’Amérique. La recette du fromage de l’isle d’Orléans s’est transmise de génération en génération au fil des siècles. Les familles en fabriquaient pour leur consommation. Entre 1920 et 1945, quatre d’entre elles en auraient produit artisanalement pour en vendre au marché Saint-Roch à Québec. Entre 1940 et 1970, il y avait encore 38 familles qui en fabriquaient sur l’île, la plus célèbre étant celle de M. Gérard Aubin, le dernier maître-fromager qui a perpétué cette tradition.

1880
« On fait du fromage en maint endroits. Mais celui de l’île d’Orléans est regardé comme le meilleur. Petit, mince, rond de forme et de quatre à la livre de France, il se vend trente sous la douzaine. » C’est ce qu’a écrit Pehr Kalm dans Voyage dans l’Amérique du Nord, et qui a été extrait des Mémoires de la Société historique de Montréal (vol. II, 1880, p. 171).

1911
Une monographie intitulée « Le fromage raffiné de l’isle d’Orléans », est écrite par J.C. Chapais dans le bulletin publié par le ministère de l’Agriculture.

1965
M. Aubin lance un cri d’alarme. Qui sauvera le fromage de l’isle? peut-on lire dans un article publié dans le quotidien La Presse en 1965. C’est qu’il y a une nouvelle réglementation gouvernementale concernant l’utilisation obligatoire de lait pasteurisé pour les fromages qui sont affinés moins de 60 jours. Et c’est le cas du fromage de l’isle d’Orléans qui ne peut être affiné plus de 28 jours, sinon il devient liquide. En plus, tous les équipements utilisés devront répondre à des normes très strictes. M. Aubin dit alors ne pas avoir l’énergie qu’il faudrait pour s’y conformer et il doit abandonner la production sur une base commerciale. Mais il continuera de fabriquer du fromage pour sa famille et ses amis jusqu’au début des années 2000.

1977
Dans la collection Traditions du geste et de la parole, Jean-Claude Dupont publie « Le fromage de l’isle d’Orléans » (Leméac, 171 pages).

1993
Sur recommandation d’un inspecteur du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, M. Aubin contacte Jacques Goulet, résident de Sainte-Famille sur l’île d’Orléans, professeur et chercheur au Département de sciences et technologie de l’Université Laval. M. Aubin souhaite qu’on puisse produire le fromage à rôtir dans les conditions conformes à la réglementation et pouvant permettre de le faire déguster dans les grands marchés publics. La question sera étudiée dans le cadre des travaux de maîtrise d’Hélène Thiboutot, qui travaillera sous la supervision de Jacques Goulet.

1995
Dépôt du mémoire de maîtrise d’Hélène Thiboutot en décembre à l’Université Laval. Mais la recherche pour trouver ce qui caractérise le fromage de l’isle d’Orléans se poursuit parce que M. Aubin est incapable de reproduire le fromage ailleurs que dans sa maison. Les recherches se seront étalées sur près d’une dizaine d’années au total. Selon les chercheurs, le goût caractéristique du fromage de l’isle d’Orléans proviendrait de microorganismes qui se sont développés sur les roseaux, qui poussent sur la rive nord de l’île, et qui étaient utilisés par les habitants pour fabriquer les petits tapis (des paillassons) sur lesquels on déposait les fromages pour les faire sécher au-dessus du poêle à bois dans les cuisines de nos ancêtres. La maison de M. Aubin était « contaminée » de ces microorganismes. Ils ont été isolés, identifiés et reproduits pour être ensuite pulvérisés dans la fromagerie.

L’histoire de la fromagerie

1997
À l’aube de la cinquantaine, Jocelyn Labbé devient retraité de l’enseignement en radiologie médicale. Il veut se consacrer à mener à terme l’un des trois projets qu’il a en tête, notamment la mise sur pied d’un centre d’interprétation de l’habitat rural. Dans ce projet, il y a un volet moyens de subsistance de l’habitant, projet dans lequel il abordera l’histoire du fromage de l’isle d’Orléans. Mais, faute d’avoir pu obtenir le financement nécessaire, il a dû abandonner ce projet.

1999
Jocelyn Labbé et Diane Marcoux, son épouse qui travaille dans le domaine des communications, sont propriétaires d’un terrain à Sainte-Famille, la plus ancienne paroisse sur l’île d’Orléans. Sur ce terrain se trouvent les fondations d’un ancien hôtel incendié en 1971. Seuls les murs des fondations et le toit en béton sont récupérables, à la condition d’y mettre beaucoup de travail pour réparer les nombreuses fissures. Les colonnes de soutènement devront être consolidées et le plancher devra être démoli pour être refait complètement. Jocelyn Labbé y voit tout de même un potentiel pour y construire une micro-fromagerie artisanale étant donné que trois des quatre murs des fondations sont enterrés. De plus, le terrain comporte un vaste espace pour aménager un stationnement et il est adjacent à la Maison Drouin, une maison historique ouverte aux visiteurs depuis 1997.

Jocelyn Labbé est un homme de projets et un passionné de l’histoire. Construire la première fromagerie sur l’île d’Orléans pour faire revivre le plus ancien fromage sur le continent, voilà un défi qu’il a envie de relever. Il s’associe donc avec Jacques Goulet, professeur et chercheur en sciences de l’alimentation à l’Université Laval, un ami avec lequel lui et son épouse font du bénévolat en milieu scolaire depuis une dizaine d’années. Tous deux s’entendent pour former un partenariat, auquel viendra se joindre Diane Marcoux quelques mois plus tard. Le 6 octobre 1999, à l’occasion d’une conférence de presse tenue dans la résidence de M. Gérard Aubin, le dernier maître-fromager sur l’île, Jocelyn Labbé et Jacques Goulet annoncent leur projet de construction d’une micro-fromagerie artisanale pour faire revivre le 1er fromage fabriqué en Amérique.

2000
Jocelyn Labbé consacre l’an 2000 à la rédaction du plan d’affaires, à l’obtention des permis nécessaires et à la conception du plan architectural et des équipements requis. Il consacrera ensuite trois années à la construction de la fromagerie de À à Z, la majorité du temps en solitaire, faisant appel à quelques spécialistes et artisans au besoin. Rien n’est laissé au hasard. Non seulement les installations et les équipements répondent aux normes gouvernementales mais M. Labbé prévoit beaucoup « de au cas où nous aurions besoin plus tard ». Un local d’accueil est aménagé pour recevoir les visiteurs mais cela doit être fait dans un décor du 17e siècle puisque nous fabriquons un fromage de cette époque. Il a fallu beaucoup de foi, de travail et de détermination pour mener ce projet à terme.

Article-Sauve-de-l-oubli

2004
Il aura fallu quatre ans de travail pour aboutir à l’ouverture de la fromagerie le 1er juillet 2004. Pendant les mois de juillet, d’août et les fins de semaine de septembre et d’octobre, nous avons accueilli plusieurs milliers de visiteurs en provenance de tous les coins du Québec, des autres provinces canadiennes, des États-Unis, d’Amérique du Sud, d’Europe, d’Asie et même d’Australie. Notre production a été nettement insuffisante pour répondre à la demande. Pendant plusieurs semaines, nous avons dû couper nos fromages à rôtir en plusieurs portions pour les faire au moins déguster aux visiteurs qui étaient friands d’entendre l’histoire du fromage et ébahis de pouvoir goûter au plus ancien fromage sur le continent.